Nathalie Boujard, 36 ans, son conjoint et leur fille de 5 ans ont quitté la France pour vivre l’aventure du Québec. C’était l’occasion pour cette trentenaire passionnée de se réorienter dans un nouveau métier stimulant, essentiel et traditionnellement masculin, celui d’opératrice du traitement des eaux. Rencontre.
Nathalie Boujard est née près de Grenoble, ville de la région Rhône-Alpes du sud-est de la France. Après des études en secrétariat et en sécurité-prévention, elle a été policière puis gérante d’une équipe de télésurveillance. Parallèlement, elle s’occupait d’un élevage de chevaux avant de se fracturer malheureusement la colonne vertébrale lors d’un accident : « Je n’avais pas le choix. Je devais me réorienter, car aucune de mes activités professionnelles n’était plus possible. J’ai entrepris une réflexion sur mes intérêts », nous raconte-t-elle.
« Mes chevaux avaient l’habitude de s’abreuver à une source à laquelle je ne faisais pas tout à fait confiance. L’eau m’est apparue comme une évidence. En cherchant un métier qui reflète cet intérêt, j’ai découvert une formation qui était offerte au Québec, ainsi que Québec Métiers d’avenir. Cet organisme aide les personnes comme moi à venir étudier au Canada. Mon conjoint, militaire à la retraite et chauffeur de poids lourd, était prêt à me suivre dans cette aventure, alors nous nous sommes lancés. »
Nathalie et sa famille étaient venues à quelques reprises en vacances au Québec, mais, lorsqu’ils sont arrivés à l’aéroport Pierre-Elliott-Trudeau le 24 décembre 2020, en pleine pandémie, ils ont eu un choc: « C’était désert! »
Entre la France et le Québec
Pour toutes les démarches administratives, du visa à l’inscription en formation professionnelle en passant par la recherche d’un appartement et d’une école pour sa fille, l’organisme Québec Métiers d’avenir a été une source d’information sur laquelle elle a pu compter : « Contrairement à plusieurs sites gouvernementaux où l’information est dense et confuse, celui de QMA est détaillé étape par étape. En cas de doute, on peut obtenir une réponse en dedans de 48 heures. Tout est clair et fluide. Ils s’occupent bien des élèves internationaux. »
Un DEP unique
Le centre de formation professionnelle (CFP) Paul-Gérin-Lajoie de Vaudreuil-Dorion offre le DEP spécialisé dans le domaine du traitement de l’eau depuis 37 ans. Le besoin de former des opérateurs qualifiés est né dans les années 1960 face à la complexification des installations en traitement des eaux. Il est le seul centre de formation à offrir ce DEP au Québec.
Une école-usine sans égale
Le centre possède une installation unique en son genre au Canada, voire en Amérique du Nord, avec une usine-école où les élèves apprennent en production d’eau potable et en usine d’épuration. « Nous avons la chance de nous initier à tous les systèmes qui seront présents sur nos futurs lieux de travail et de nous préparer à toutes les éventualités, explique Nathalie. Nous pratiquons énormément. C’est un domaine où les règles sont appelées à changer, mais notre formation nous outille de manière à être prêts à évoluer. »
Agir pour l’environnement
Nathalie a choisi ce champ d’expertise en suivant sa curiosité pour les questions environnementales. Parmi les aptitudes nécessaires pour la formation, elle mentionne un intérêt pour la chimie, les mathématiques. « Il faut être minutieux, avoir une bonne capacité d’analyse et être en mesure de travailler seule, en autonomie. »
Les opératrices et opérateurs d’installations du traitement de l’eau opèrent des systèmes de filtration, de pompage, de désinfection et de clarification. Ils règlent et surveillent le fonctionnement des procédés de traitement et effectuent des prélèvements et des analyses d’eaux. Le métier est consacré essentiellement à la surveillance et à l’entretien mécanique, mais, lors de situations d’urgence, les opérateurs doivent être responsables, autonomes et capables de faire les bons gestes.
Un secteur en pénurie
Le manque de main-d’œuvre qui frappe bon nombre d’entreprises au Québec n’épargne pas le secteur de l’eau. Les besoins d’opérateurs dans les usines de traitement de l’eau potable et des eaux usées des municipalités sont criants, rapportait récemment le journal Le Droit; 90 % des finissants du cours de conduite de procédés de traitement de l’eau trouvent un emploi à la fin de leur formation. Les départs à la retraite et une hausse de la charge de travail viennent mettre de la pression sur ce métier qui est lié directement à la santé publique. Les usines, autant d’eau potable que d’eaux usées, les réseaux de distribution, les grandes villes, les petites et les très petites villes ont des problèmes de recrutement de main-d’œuvre. « S’il n’y a pas d’opérateurs, alors il n’y a pas d’eau potable et de traitement des eaux usées », rappelle Nathalie. À noter qu’il s’agit d’un métier encadré : chaque diplômé doit obtenir sa carte de compétence auprès d’Emploi-Québec.
Un métier traditionnellement masculin
Il y a une seule autre femme dans la cohorte de Nathalie. Pour elle, être l’exception dans son choix de carrière n’a jamais été un frein : « Je ne me suis jamais arrêtée à ça et, quand j’y repense, j’ai toujours été dans des secteurs non traditionnels. » Pour attirer plus de femmes dans le secteur, elle croit qu’il est nécessaire de publiciser ce métier méconnu et de rassurer les femmes qui envisagent la formation quant aux exigences physiques du métier, somme toute raisonnables.
Une vie au Québec
Nathalie et sa famille se sont installées à Vaudreuil-Dorion, tout près de son école, mais leur projet après les études consiste à s’établir au Saguenay, près des montagnes qui leur rappellent (un peu) leur coin de pays natal. D’ailleurs, au moment où nous lui avons parlé, Nathalie revenait d’un stage à l’usine de filtration de Jonquière. Elle espère trouver du travail dans la région et, en parallèle, acquérir à nouveau un cheval, ce qui lui manque et qui devrait être possible, car son dos va beaucoup mieux.
Leur intégration se passe bien. « Ici, la conciliation travail-famille est valorisée. Nous profitons d’une bonne qualité de vie. » À ceux et celles qui hésitent à l’idée de retourner chercher des outils en formation professionnelle, Nathalie suggère une bonne réflexion : « La vie au Québec n’est pas parfaite, mais différente et ça fait du bien. Avec de la volonté et de la motivation, rien n’empêche de foncer et de réussir. »
La réalisation de cet article est le fruit d’une collaboration entre Compétences Québec et Québec métiers d’avenir. Ce portrait fait partie de la série Diversité FPT, une initiative soutenue par la Fondation RBC et réalisée par Compétences Québec. Cette série vise à proposer une diversité des points de vue sur la formation professionnelle et technique au Québec et les métiers spécialisés au Québec.
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